Pourriez-vous habiter avec vos voisins ?

Newgirl - photo de groupe dans le lit

Les initiatives d’habitats coopératifs, communautaires, ou de coliving connaissent un nouvel élan.

Mais est-il réellement possible de repenser l’habitat de l’individuel au collectif ? 

La mise en commun d’espaces et de services dans l’habitat est une solution face aux coûts de l’immobilier, aux appartements rétrécis et permet de réduire l’empreinte carbone de chacun.

Pour autant, pour la plupart des futurs acquéreurs ou locataires, il est souvent difficile de s’y projeter au-delà de la colocation étudiante. A fortiori, il n’est pas évident d’y percevoir un enrichissement personnel. L’autre peut perturber, il peut être subi ou encore nuisible. La proximité et le partage sont souvent envisagés comme une solution temporaire, finalement économique, en attendant de pouvoir financer son propre chez-soi.


En Amérique du Nord, de longue date, les espaces de service ont été plus facilement rendus communautaires : la buanderie ou laverie dans certains immeubles, parfois accompagnée d’une salle de sport ou d’une piscine pour les résidences plus luxueuses.

Ce modèle d’organisation architecturale a eu des échos en France où des promoteurs ont fait le pari de logements en “coliving”. Des logements avec des espaces partagés, agrémentés de l’univers “start-up”, entre la colocation et l'hôtel. C’est notamment le cas en Ile-de-France. “La Casa”, située à Maisons Alfort est ainsi décrite dans Le Monde : “Placards nominatifs dans les cuisines, treize chambres qui ferment à clé, treize salles de bains, treize toilettes. Et 200 mètres carrés d’espaces à partager : cuisine, jardin, salle de gym en sous-sol, salle de jeux vidéo, grand salon avec rétroprojecteur… Le loyer inclut également divers abonnements (Netflix, Spotify…), le ménage, un cours de gym à domicile tous les mardis, et un repas à cuisiner livré deux fois par mois.

Pour Hans Widmer, fondateur de plusieurs coopératives d’habitation à Zurich : “ Tout le monde veut avoir son confort privé. Mais on ne réalise pas que le confort collectif peut être beaucoup plus grand. En partageant on peut se permettre beaucoup plus grand.” Il ajoute cette phrase surprenante : “Je dis toujours le voisinage, c’est comme un hôtel 4 étoiles. » 

Certaines initiatives vont au-delà, tel est le cas de l’habitat participatif et coopératif. Les habitants peuvent en effet se constituer en association, travailler aux plans de leur habitat (épaulés d’architectes et d’architectes d’intérieur), concevoir les espaces communs et repenser l’habitat. L’habitant est ici au cœur du projet, en tant que membre d’une coopérative. Son usage de l’habitat est central. A Ivry, par exemple, la Mairie a activement soutenu un projet de seize logements en accession sociale à la propriété. La coopérative s’intitule “La Pétrolette”. 

Ainsi l’habitat partagé au sens large se concrétise de façon très variée. L’architecte y est ici un acteur central du vivre-ensemble. Au-delà de l’aspect séduisant de l’accès à de grands espaces et à des services partagés à moindre coût, le défi du vivre-ensemble reste entier. Comment partager un quotidien avec des inconnus ? Comment respecter son individualité et son intimité ? Comment la famille nucléaire s’insère-t-elle dans l’habitat communautaire ?

Le cohabitation ou la vie en communauté n’est pas gage d’une bonne entente. Christophe Alexander présente ainsi des modalités qui laissent une place importante à l’intimité : « Il faut à chaque unité familiale, à chaque personne, à chaque couple, un royaume privé, presque un foyer à part entière, qui réponde à son besoin d’un territoire propre. Dans le mouvement pour bâtir des communautés, les groupes n’ont pas pris ce besoin au sérieux. Ils l’ont ignoré, le voyant comme quelque chose qu’il fallait dépasser. Or il s’agit d’un besoin profond et fondamental. [...] Maintenir leur individualité, sans risque de la voir engloutie dans l’identité de l’autre ou de l’identité du couple ».  

Tout le monde veut avoir son confort privé. Mais on ne réalise pas que le confort collectif peut être beaucoup plus grand.

Comme on peut le voir, ce partage constitue, pour certains, l’aboutissement d’une véritable réflexion de vie. Mona Chollet, puisant elle aussi dans la pensée de l’architecte, développe ainsi son analyse : « Dans son encyclopédie de l’architecture idéale, Christophe Alexander déclare sans ambages que la famille nucléaire n’est “pas une forme sociale viable”. Chacun de ses membres est trop étroitement lié à l’autre. Toute relation qui vire à l’aigre, même pour quelques heures, prend un tour critique. » Ce dernier préconise de former de larges maisonnées composées de plusieurs ménages de divers types : couples avec ou sans enfant, célibataires, retraités…

Le principe de l’habitat groupé, en somme : des logements indépendants, mais voisins, avec des espaces partagés (buanderie, salle des fêtes, salle de gym, salle de jeux pour les enfants, jardin, terrasse, chambre d’amis…). 

Encore peu connu en France, l’habitat coopératif, en particulier, offre une structure juridique qui laisse toute latitude aux habitants sur l’aménagement, la gestion et la jouissance de leur cadre de vie.
Le rapport à l’investissement immobilier est ainsi réinventé en redonnant sa place au consommateur.

Il est particulièrement développé dans les pays nordiques : 18 % du parc immobilier de Suède, 13 % en Norvège, mais aussi en Suisse. Quand ils ne s’installent pas dans un lieu existant, les collectifs, au cours d’un processus de plusieurs années, engagent un architecte pour dessiner le bâtiment de leurs rêves qui répond en général à des normes écologiques.
Afin de ne pas rester entre privilégiés, certains, comme en France le Village Vertical de Villeurbanne, travaillent en collaboration avec des coopératives HLM et des collectivités locales.

L’habitat communautaire émerge petit à petit en Europe et en France. Par son aspect transgressif, il nous invite à repenser la place et le rôle de notre environnement social. 


Chez Mesetys, nous sommes à la recherche d’architectes ayant travaillé sur ces questions. Si c’est votre cas, ou que le sujet vous interroge, écrivez-nous à [email protected]

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